Pour répondre à Shoda, sur le nombre « Trois »
Personne ne semble s’interroger sur ce nombre trois, tellement présent et ancien dans notre culture de descendants des Indo-européens (IE), ainsi que le démontra Georges Dumézil en 1938 (
Mythes et dieux des Germains - Essai d'interprétation comparative).
Il a établi, par comparaisons entre diverses cultures IE, qu’elles avaient élaboré une théorie sur la structure que devait avoir la société idéale. Trois « fonctions », et trois seulement, sont indispensables :
1 – souveraineté et religion, comme les druides et les brahmanes, pour prendre les deux extrémités du domaine IE ;
2 – guerre, courage, vaillance ;
3 – richesse, production, reproduction.
Face simpliste schéma marxiste de
l’opposition du prolétariat et de ses exploiteurs capitalistes, la trifonctionnalité dumézilienne suppose au contraire
l’union nécessaire et harmonieuse, la coopération des intelligents, des forts et des riches, pour que la société soit complète.
Plus tard, Dumézil reconnaîtra qu’il s’agit d’un schéma mythique, non nécessairement réalisé dans une société donnée. Le mythe est le fondement, il renvoie aux origines, il est toujours vrai.
Cette trifonctionnalité ne va pas de soi. Chez les anciens Chinois (Marcel Granet), la société était divisée en autant de fonctions que le Fils du Ciel (l’empereur) le décidait ; dans d’autres types de sociétés non-IE, ce nombre varie.
Seuls les IE ont élaboré cette théorie, si « parfaite » qu’elle a été reprise par des peuples qui n’étaient pas de culture IE, par exemple l'Égypte ancienne, après les Hyksos (vers -1600) ; ou les Svanes au Caucase (XIXe siècle), mais aussi la société médiévale, sous la forme des oratores (ceux qui prient), bellatores (ceux qui combattent) et laboratores (ceux qui travaillent).
Le symbole de la première fonction est
la coupe, et nous voilà revenus au graal, saint ou pas ; la seconde fonction étant armée, elle se rapporterait chez Harry Potter à la baguette de sureau.
Il apparaît que Joanne Rowling n’a retenu que le « trois » et pas le schéma dumézilien, qui n’était pas son but.
Mais dans ses sept tomes, elle nous régale de nombreux mythes, dont celui des Trois frères et de la Mort, et distille pas mal de philosophie si simple qu'elle n'est pas toujours reconnue.
Plus de renseignements sur cette trifonctionnalité :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Dum%C3%A9zil
Si vous pouvez encore le trouver : Didier Eribon,
Faut-il brûler Dumézil ? Mythologie, science et politique, Paris, Flammarion, 1992
Wikipédia cite quelques passages de ce livre.
Article spécialisé, plus difficile à lire :
http://bcs.fltr.ucl.ac.be/fe/03/bilan.html
Les ouvrages de Christian-J Guyonvarc'h sont plus accessibles ; je recommande tout particulièrement :
Les Druides, avec la collaboration de Françoise Le Roux, Ouest-France Université, coll. « De mémoire d’homme : l’histoire », Rennes, 1986 (ISBN 2-85882-920-9)
Magie, médecine et divination chez les Celtes, Bibliothèque scientifique Payot, Paris, 1997 (ISBN 2-228-89112-6)
Ce dernier est le seul ouvrage existant au monde (paraît-il) de niveau universitaire sur la magie... Mais rien à voir avec la magie dans le monde de Harry Potter ! Guyonvarc’h est le grand spécialiste du monde celte ancien, notamment de l'Irlande.
Je m'éloigne quelque peu du graal, mais pas tant que cela, je complète la documentation...